C’est pas ton genre de te trouver à Carbone-les-Mines. T’as rien à y faire, que ce soit de par ton statut de Sang-Pur ou ton simple statut d’être humain. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde, et ce n’est pas non plus le cas de toutes tes fréquentations. Enfin, fréquentations. Tu penses en particulier à quelques acheteurs que tu as et qui ont du élire domicile dans ce quartier malgré leur volonté. Tragique, vraiment.
Mais ce qui est tragique c’est surtout le fait que t’aies un rendez-vous ce matin avec l’un d’entre eux, alors que l’heure ne t’arrangeait pas vraiment. Tu t’es levé tôt pour t’occuper de tout ce qui avait attrait au jardinage chez toi, comme la plupart des jours, mais t’as dû te lever du mauvais pied parce que ton thé matinal habituel ne suffit pas à te mettre de bonne humeur. Tu ne travailles pas ce matin, heureusement, mais la perspective de devoir te rendre au domicile d’un acheteur par cette matinée pluvieuse, surtout dans un quartier pareil, en sachant pertinemment que tu aurais des cours à donner l’après-midi ne t’enchantait étrangement pas plus que ça. Le confort de ton lit te manque déjà, et tu sais que tu ne pourras le retrouver que dans de très longues heures.
C’est sans grande surprise qu’une fois arrivé à Carbone-les-Mines t’eus la joie de réaliser que non, un thé ne suffit pas à faire office de petit-déjeuner. Pas aujourd’hui du moins. C’est pas ton genre de rater un petit-déjeuner, mais il faut croire que n’est définitivement pas ta journée aujourd’hui. Tu ne peux pas tout de suite transplaner à nouveau, ça te fatiguerait trop et tu arriverais définitivement en retard à ton rendez-vous. Mais passer dans une boulangerie ? L’idée te débecte. T’es difficile, t’as l’habitude te faire tes viennoiseries toi-même le matin quand t’as le temps et le courage. Parce que tu sais ce que tu aimes, et parce que tu sais quels ingrédients tu dois éviter à cause de tes allergies diverses et variées. Ca ne serait pas la première fois que tu te rendrais dans une boulangerie, quand même pas, mais t’es habitué à une autre, au tarif probablement bien plus élevé que ce que tu pourrais trouver ici, la qualité suivant. De ton point de vue.
Mais t’as l’impression de ne pas trop avoir le choix. T’as la dalle, t’es crevé, et t’as besoin de manger quelque chose avant d’aller à ton rendez-vous. A moins de ne vouloir faire un malaise en arrivant, ce dont tu n’avais strictement aucune envie. T’as une réputation à tenir. Mais est-ce que ta réputation te permet d’entrer dans une boulangerie, vu le nom, très probablement tenue par un loup-garou ? T’as trop faim pour te poser la question plus longtemps.
T’es pas à l’aise dès la première seconde où tu mets un pied à l’intérieur de l’établissement, et ça doit se voir. Il faut dire que tu n’essaies pas vraiment de le cacher. Tu t’approches lentement des étalages, observant un peu tout ce qu’il pouvait y avoir. Il était encore tôt et la boulangerie n’était pas totalement remplie de monde, c’est pas plus mal. Tu relèves la tête vers celui que tu suppose être le gérant, du moins un employé ici, un sourire pincé sur les lèvres. « J’imagine que vous avez tout de même des articles ne contenant pas de gluten ni de sulfites ? » Si on se pose la question, oui. Un ‘bonjour’ aurait été de trop.
Ta journée avait merveilleusement bien commencé, tu t’es réveillé d’une humeur fabuleuse, tu n’as même pas envoyé balader ton réveil comme à ton habitude, vraiment un bon début de journée.Comme tous les jours, tu as préparé tes viennoiseries avec attention. Elles sont sorties du four avec une odeur des plus enivrantes, et une magnifique couleur dorée, probablement ta couleur préférée. Tout est parfait.
Les premiers clients arrivent alors que tu es occupé à arroser tes plantes, plantes toujours sans nom, un drame. Tu commences à reconnaître certaines têtes depuis le peu de temps que tu t’es installé, certains habitant de Carbone-Les-Mines sont devenues des habituées de ton établissement, et ça te réchauffe le cœur, de voir ce quartier si triste et terne prendre quelques couleurs dans ta boulangerie. Les quelque clients assis discutaient avec entrain, et tu décides de te faire un café dans ce brouhaha confortable. Tu as toujours aimé ce genre d’ambiance, n’hésitant pas à t’asseoir par moments avec certains clients pour discuter et apprendre à les connaître. Quel excellent boulanger tu fais !
Tu déposes ton café sur le comptoir en voyant passer par la porte un homme au teint pâle et visiblement peu à l’aise dans ton établissement. Il n’ a jamais été dans une boulangerie avant ? L’homme à l’air très propre sur lui, tu ne peux pas t'empêcher de le trouver hautain alors qu’il n’a même pas encore ouvert la bouche. Bouche qui est loin de faire le merveilleux sourire que la plupart des clients affichent fièrement ! Bon… Tu exagères peut-être.
Tu penses, par ailleurs, ne jamais l’avoir rencontré ici, et tu commences à bien connaître le quartier maintenant, un peu malgré toi. Il avance lentement vers le comptoir observant toutes les possibilités, mais ne semble pas convaincu par tout le choix possible. Tu peux presque voir tout le dédain dans ses yeux et tu ne peux pas t'empêcher de le trouver des plus désagréables, mais tu gardes espoir en l’honneur de cette merveilleuse journée, si ça se trouve, il n’est pas si mal et c’est juste dans ta tête. Il ne faut jamais se fier à une première impression !
« J’imagine que vous avez tout de même des articles ne contenant pas de gluten ni de sulfites ? »
...Toujours se fier aux premières impressions. L’homme en face de toi te fixe d’un petit sourire plus que dédaigneux. Même pas un bonjour en plus… Ta petite boulangerie connaît son premier connard, si ce n'est pas émouvant.
Tu mets quelques secondes à lui répondre, tout de même légèrement pris de court par un tel début de conversion. Qui commence une conversation par ça ? Est ce que tu fais des préparations sans gluten même ? C’est quoi de le sulfite ? Et qui est allergique à ça ? Mais avant tout de choses, il va falloir apprendre la politesse à ce brave homme.
“...Bonjour monsieur ! Oui, je vais bien et vous ? Un peu pluvieux, c’est vrai, haha. Sinon malheureusement non, je n’ai pas de viennoiserie sans gluten ni de sulfite”
Tu as l’impression de devoir savoir ce qu’est le sulfite en tant que boulanger, mais bon, tu iras te renseigner plus tard. Pour l’instant le plus important et de satisfaire ce client agacent, qui commence tout doucement à te faire passer une mauvaise journée. Ton regard se tourne vers la cuisine et tu grattes la barbe, peut-être pourrais-je tout de même le satisfaire ?
“Toutefois, certains de mes pains ne contiennent pas de gluten, je pourrai éventuellement vous faire un sandwich ? Je peux aller vérifier ce qu’il me reste dans mon frigo ! Je suis sûr que j’arriverai à faire votre bonheur !”
Dis-tu d’un sourire radieux, te demandant tout de même, pourquoi se donner autant de mal pour une personne de ce genre, mais voir un client sortir déçu de ton établissement te rend toujours un maussade, tu n’y peux rien.
Oh, ça commence mal. Ca commence terriblement mal. T’es pas là depuis deux minutes que t’as déjà envie de lui péter la gueule. Non mais c’est bien, c’est une bonne manière de commencer son lundi. Dans la haine et la souffrance qu’est le fait d’avoir à discuter avec ce genre d’individu. Déjà qu’il lui a fallu bien trop de temps pour te répondre, sa réponse ne te convient évidemment pas. Et puis quoi encore. Est-ce qu’il sait à qui il a à faire ? Probablement pas, non. Et puis peut être que ça ne changerait absolument rien, peut-être qu’il est juste totalement débile et qu’il n’a aucun instinct de survie. Ca ne t’étonnerait pas, venant d’un loup-garou.
Tu ne sais pas s’il espère que tu te décides à lui dire bonjour, c’est peine perdue. En plus de ça, maintenant t’as juste envie de lui foutre ton poing dans la gueule. C’est tout ce qu’il recevra de ta part aujourd’hui, s’il continue. Tu serres les dents. Le fait qu’il n’ait même pas de viennoiseries te fait presque plisser les yeux de scepticisme. C’est quand même fou ça, ce manque d’intérêt de la part de certains commerçants pour les allergènes de ce genre. Qu’est-ce que t’es censé faire toi. « Vraiment ? C’est regrettable. »
Plus que ça, même. A deux doigts de le menacer de faire fermer sa boulangerie pour ça, en effet. Tu ne comptes pas chercher plus loin et tu t’apprêtes à sortir, toujours sans un au revoir, et tant pis pour ta potentielle chute de tension en arrivant chez ton client, c’était toujours mieux que de te retrouver à inutilement souffrir de tes allergies. Mais t’es un peu pris au dépourvu par sa proposition. « Un sandwich, aussi tôt dans la journée ? » Tu hausses un sourcil. Tu veux un bon petit pain au chocolat toi, pas un sandwich. T’es difficile avec le pain, de nouveau t’as pour habitude de le faire toi-même. Mais tu supposes que le sien ne doit pas être mauvais, sinon c’est que t’es vraiment tombé sur la pire boulangerie de tout Londres. Ce qui ne t’étonnerait pas vu le manque de chance que tu peux avoir. Mais bon. Dans un grand élan de bonté, tu te dis que tu pourrais lui laisser sa chance. Les bras croisés, toujours aussi tendu qu’à ton arrivée ici, tu retiens de justesse un soupir et tu te contente d'un rictus vaguement amusé.
« Faire mon bonheur, j’en doute fortement. Mais je suppose que si votre pain est frais du jour et que vous avez quelque chose d’intéressant à me proposer, ça pourrait éventuellement faire l’affaire. »
C’est quoi son problème à continuer de te sourire, là. Il a pas capté que t’avais aucune envie de faire des efforts ? Il pourrait déjà s’estimer heureux que tu sois toujours là, ceci dit. C’est que tu sais que ta patience a ses limites, et c’est tout dans son intérêt d’essayer de faire rester un potentiel client. Donc t’attends, ton regard perçant fixé sur lui, et plus l’ombre d’un sourire sur ton visage. Tu commences à réellement avoir faim et ça a tendance à te mettre de mauvaise humeur, comme si tu ne l’étais pas déjà suffisamment.
Ton manque de viennoiseries sans gluten n'a pas l’air d'enchanté sa majesté au vu de la tronche qu’il tire, mais c’est un peu de ta faute aussi, tu aurais dû penser à incorporer des aliments sans gluten, autre que le pain, dans ton menu, mais maintenant, il est trop tard et l’homme en face de toi à l’air plus qu'agacé. Sa réponse est des plus froides, tu as aussi cette impression que le client en face de toi n’est pas n’importe qui, mais tu n’es pas du genre à faire des courbettes devant qui que ce soit et tu ignores cette impression. Ici, il n’est qu'un client comme un autre.
Visiblement, ta proposition de sandwich fait mouche, il s'arrête pour te regarder d’un air interrogateur, il semble surpris par une telle proposition, tu ne trouves pas ça spécialement étrange un sandwich aussi tôt dans la matinée, mais il n’a pas l’air de cet avis. Qu’importe tout ce qui compte, c’est que ta proposition l’a fait rester un peu plus longtemps.
… Pas commode, bien que cela ne te surprenne pas plus que ça. Mais tu sais que tu réussiras à faire son bonheur, ou du moins, à lui faire avaler quelque chose dans ta boutique, ça serait déjà une victoire en soi. Son petit sourire te déplaît vraiment, on dirait presque qu’il se fout de ta gueule. Enfin, tu n’as pas vraiment le temps d’admirer ce sourire, car il a très vite disparu pour faire place à un regard des plus meurtriers. Tu vas donc dans l’arrière-salle pour vérifier ce qu’il te reste dans ton frigo, comme tu t’en doutais un peu, tu n’as pas grand-chose en dehors des ingrédients habituels du boulanger. Tu hésites à revenir en salle pour lui annoncer la mauvaise nouvelle, mais au dernier moment, tu penses qu’il te reste de la charcuterie et d’autre bonne choses dans ton appartement et comme tu es un boulanger au grand coeur tu lui apportes tout ce qu’il y a dans ton frigo, oui, tout. Hors de question de faire des aller-retour entre ton appartement et ta boulangerie, c’est certes, à même pas un mètre, mais tu n’as pas l’énergie pour ça.
Tu montes donc en vitesse et redescends tout aussi rapidement les bras plein de différents aliments et tu disposes le tout sur le comptoir, sous ses yeux.
“Voilà ! Alors comme je ne savais pas si vous étiez allergique à autre chose, on ne sait jamais, j’ai pris tout ce que j’avais.” Dis-tu avec un petit sourire narquois.
“Alors on a du jambon très classique mais toujours aussi bon, de la salade, du poulet en tranches, vraiment très bon aussi. Des œufs durs, des tomates, j’ai du fromage ici, et bien évidemment quelques sauces, sinon ce n'est pas un vrai sandwich ! J’ai du ketchup et de la mayonnaise, je peux même mélanger les deux rien que pour vous. Oh ! Et je peux vous griller le tout si vous le désirez. ”
Les mains sur les hanches d’un air fier, tu attends qu’il fasse sa commande, dans tout ce que tu as apporté, il doit bien y avoir quelque chose qui plaira à sa majesté.
Tu ne sais pas ce que tu fais encore ici. Pourquoi tu n’es pas encore parti. Ce n’est pas ton genre, de rester à un endroit où tu ne te sens pas totalement à l’aise comme actuellement. T’aurais du partir dès que t’avais compris que tu ne trouverais rien qui te convienne ici, ou encore mieux, tu n’aurais jamais dû mettre un pied dans cet établissement. C’est une perte de temps et tu détestes perdre ton temps, surtout dans ce genre de situation où t’es pressé. C’est agaçant, stressant, et vraiment pas la manière dont t’aurais imaginé ce début de journée se passer.
Ça te pompe. T’as envie de rentrer chez toi, d’oublier tout ça et te recoucher pour le reste de la journée. La simple absence de viennoiserie sans gluten t’a miné le moral à un point que t’aurais pas pensé possible, et tu te demandes pourquoi ca tombe aujourd’hui sur toi. Parfois tu parviens à oublier tes allergies étant donné que les seules personnes faisant à manger au quotidien pour toi sont ton elfe de maison qui te connaît, toi et tes préférences alimentaires, depuis que t’es gamin, et toi même. Mais ce genre de rappel à la réalité qui te fait réaliser que non, tu ne peux pas toujours manger ce que tu veux, ça te frustre.
Tu sais te tenir et heureusement, sinon tu serais bien prêt à faire un caprice comme tu n’en n’avais jamais fait. Ca n’a jamais vraiment été ton genre, quand t’étais petit. T’aurais certainement pas osé te plaindre de quoi que ce soit, ni exiger quoi que ce soit non plus. Tu prenais ce qu’on avait à te donner, et c’est tout. Mais même quand t’étais gosse, on te préparait des bons petits déjeuners sans gluten ni sulfites. C’est quand même dire. Mais soit, il a l’air réellement déterminé à te faire un sandwich et tu ne voudrais pas le couper dans son élan. Même si durant toute cette période, toi tu dois attendre et poireauter devant les étalages sans cette fois cacher un long soupir de presque désespoir. Tu ne sais pas ce qu’il fabrique mais ça prend bien trop de temps à ton goût.
Tu ne te saurais certainement pas attendu à ce qu’il revienne avec.. Autant de choses qui sortaient de tu ne savais pas trop où. Tu fronces un peu les sourcils en voyant tout ça, ne relevant les yeux vers lui qu’à sa remarque qui te fait presque sourire. « Juste le gluten et les sulfites, mais vous pouvez tout simplement dire si vous ne savez pas ce que sont des sulfites. » C’est un peu moins connu comme intolérance alimentaire que le gluten, tu ne serais pas surpris. Juste un peu plus déçu, mais au point où t’en es c’est plus si grave. T’as compris que t’allais devoir faire avec.
« Vous êtes bien mignon avec votre jambon mais je vous laisse deviner ce qu’il contient. Hm, je suppose que votre ketchup n’est pas fait maison ? ..Et qui mélange ça à de la mayonnaise, d’abord. Je ne pensais pas qu’on aurait des coutumes alimentaires aussi différentes, c’est épuisant. J’imagine que le poulet en tranche conviendrait, avec des œufs durs. Ca ne doit pas prendre trop de temps à faire. » T'as l'air un peu résigné quand tu dis tout ça, et c'est probablement le cas. Ca ne fait que te conforter dans l'idée que t'es pas prêt de revenir ici.
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